D’Instagram à la folie – Partie 2/3

par | Sep 13, 2019 | Folie littéraire | 0 commentaires

Si vous n’avez pas lu la 1ère partie, commencez par celle-ci !

Aux prémices des réseaux sociaux, le principe était simple : partager ses moments de vie pris sur le vif sur Instagram et rester connecté avec ses amis partout dans le monde sur Facebook. Ces petites startups en quête de capitalisation s’en fichaient royalement de notre vie. Derrière, l’enjeu était bien plus grand : la collecte de data et l’addiction à ces plateformes. Si c’est gratuit, c’est toi le produit dit-on. Et utilisant ces services de manière plus prononcée, nous mordions à l’hameçon et par ailleurs, nous donnions les clés de notre bonheur inconsciemment. Comment avons-nous pu passer d’un simple partage spontané à des doigts constamment en train de scroller sur notre smartphone dès qu’on a 1 minute de libre ? Cet article ne peut englober tout ce que je souhaiterai évoquer sur Instagram. Ici, on parlera de comment Instagram rend les gens presque déconnecté du monde réel avec l’appât du contenu, de la visibilité et de la popularité. Avant de démarrer, voici les chiffres impressionnants qui se génère par mois, par jour, par minute et par seconde.

Pas montré, pas vécu, pas de sens ?

Les interactions. Sous forme de likes, d’abonnements et de commentaires, elles permettent de mesurer si notre vie semble intéressante, si notre contenu est apprécié. Des chiffres qui d’année en année nous ont fait ressentir la honte d’en avoir peu, l’excitation extrême d’en avoir beaucoup et la frustration et la colère d’en avoir moins que d’habitude. Nous avons pris l’habitude de tout partager : notre repas, nos soirées en boite de nuit, nos voyages et nos cures de bronzettes au bord de la piscine. Ainsi la machine était lancée. En partageant individuellement sa vie, il y a eu inconsciemment un phénomène de compétition. À qui aura la plus belle vie ? Enfin d’apparence car derrière une image peut se cacher un tout autre contexte et vous le savez pertinemment. Quand on partage quelque chose, est-ce vraiment pour en faire profiter les autres ou pour se vanter de vivre cette fameuse belle expérience ?

Alors d’où vient cette compétition de la plus belle vie. Outre qu’on peut être jaloux de ses amis, il y a les influenceurs. Je sais, vous me direz que ce terme n’existe pas car ce n’est pas un métier mais c’est le seul mot que je trouve pour qualifier un compte à minimum + de 5k et qui parle de lifestyle sans forcément créer/préciser son propre contenu ! Pour moi un influenceur est un compte qui fait juste des photos de produits sans créer vraiment son contenu. Alors qu’un créateur de contenus est plus pointue à ce sujet. La différence entre les deux n’est en aucun cas sur les chiffres. Simplement sur leur style de contenus. Comme je le disais dans le premier chapitre, certains influenceurs se concentrent uniquement sur eux (leur vie, leurs créations entrepreneuriales, leurs partenariats, leurs soirées) tandis que d’autres partagent plus que leur personne (point de vue, astuces, pourquoi cette création par exemple). Les premiers gros comptes nous ont endoctriné dans l’envie de faire pareil : des photos à couper le souffle, des voyages incroyables pour citer seulement ça. L’effet boule de neige a fonctionné depuis puisque nos propres abonnés partagent leur “bella vita” ainsi que notre propre personne.

Je ne blâme pas chaque partage et chaque publication. Au contraire, je suis toujours contente de découvrir de nouvelles adresses, de voir que mes amis vont bien et de retrouver les réalisations de mes créateurs préférés. Je pointe surtout ceux qui se sentent obligés de partager et qui partagent trop. Que ce soit pour se vanter, prétendre ou parce qu’ils ne savent plus profiter de l’authenticité d’un moment si celui-ci n’est pas partagé et donc qui n’est pas vu. Évidemment que vous nierez ce fait si vous en êtes touchés mais je suis sûre que si on vous enlevait votre téléphone pour une grosse soirée, la saveur serait moins jouissive non ?

La vie serait-elle devenue réelle à condition qu’elle soit immortalisé virtuellement ? Au même titre que nos émotions, les emojis donnent de véritables dynamiques dans nos échanges, nos sourires pour montrer qu’on vit notre “meilleure vie” en selfie aussi. Sans les emojis et les selfies, seriez-vous aussi remplie d’énergie ? Seriez-vous aussi excité de votre vie s’il n’y avait pas de photo à prendre avec votre grand sourire ou une description à mettre avec autant d’emojis ? Le bonheur serait-il devenu profitable seulement si votre réseau est au courant ? Je partage mon quotidien dans l’optique de montrer quelques plaisirs de la vie, je partage mes voyages pour faire découvrir à mes proches où je suis, mais même si je suis modeste dans ce que je fais, il y a quand même une part de « moi je » qui est présente. Et “ce moi je” peut-être tellement fort pour certains, qu’il peut en devenir gênant, voir malsain. (C’est surtout ce qui me fait moins voir un compte quitte à me désabonner. On notera toutefois les quelques influenceurs/ créa qui font croire qu’il n’est pas question d’eux mais il suffit que leurs chiffres chutent légèrement pour voir leur vrai visage…)

On retrouve donc des stories parfois ridicules, lourdes ou totalement WTF. Comme cet homme qui faisait une story de lui sous la douche, comme ce gars à son bureau qui raconte qu’il a tellement de projets dans sa vie, comme cet autre homme qui montre toutes ses sorties. (ça aurait pu être des filles !) Je pourrais tellement vous en énumérer. Que ce soit d’un compte d’une personne comme vous et moi ou d’un créateur/influenceur. La compétition est là, l’envie de se vanter est là même si on s’en est persuadé le contraire. D’ailleurs, certains créateurs confondent création de contenu et télé-réalité et je me demande parfois si Instagram ne serait pas l’extension de ce qu’étaient les télé-réalités. A t-on besoin de savoir tous ces détails de la vie de quelqu’un d’autre ? Bien sûr que non. Excepté les fangirls qui sont en crush sur les abdos de leur fitboy préféré pendant qu’il prépare sa boisson protéinée à 8h du matin. Pour l’émetteur, c’est quand même rassurant que ses 6000 abonnés voient sa vie et qu’ils adhèrent à ce qu’il fait. L’approbation et l’apparence, voilà les maîtres-mots de ce réseau social. Et ceci se fait de manière inconsciemment sans que vous le vouliez.

En analysant différentes stories de plusieurs comptes, j’ai pu en énumérer plusieurs types qui doivent se passer chez vous :

  • Le petit restaurant du soir de mon ami
  • Le “péteux” qui n’arrête pas d’hurler dans sa story car sa vie est trop géniale
  • L’athlète rigoureux en muscu qui me motive chaque jour
  • Le créateur qui ne semble jamais dormir parce qu’il veut toujours créer
  • L’influenceur qui repart en vacances et franchement, ça te rappelle que tu dois aussi en prendre
  • Les sorties folkloriques de mon ami
  • Le créateur qui ne cesse de faire sa pub de ses créations et seulement de ses créations

(Oui j’ai mis tout au masculin mais encore une fois, cela peut être aussi des femmes !)

La moitié de ces gens partagent leurs détails de la vie car un phénomène bien plus complexe s’est immiscé inconsciemment en eux : le besoin d’approbation. Ce besoin d’approbation est en lien direct avec ce besoin constant de montrer rapidement les nouveautés de sa vie comme une rupture, une sortie, un nouvel achat etc. Au départ, on partage absolument tout. Pris dans la roue, si vous ne montrez plus, vous aurez le sentiment que votre vie n’est plus aussi intéressante qu’avant ou que vous ne faites plus rien (sentiment d’inactivité virtuelle = inactivité réelle). Alors vous continuez car ces stories sont la preuve que vous êtes actifs. On parle de nomophobie pour la peur de perdre son téléphone mais je suis sûre qu’on devrait créer un terme pour ceux qui ont peur de ne plus pouvoir montrer leur vie sur Instagram (et plus généralement sur les réseaux sociaux).

D’ailleurs, ça me fait penser à cette actualité qui n’est que la conséquence de ce que nous avons créées malgré nous. Le phénomène d’approbation vient seulement après. Le rouage bien huilé, la tendance à partager les détails vous procureront un plaisir. Un plaisir qu’on regarde vos stories, qu’on s’intéresse indirectement à vous. Cependant, ceux qui perdent la saveur de vivre la vie réelle sans la partager sont sujets à mieux la vivre une fois qu’elle est partagée. Pourquoi ? Parce qu’en postant, ils ont eu l’approbation. Oui, tu es bien à cet événement. Oui ça a l’air cool ce que tu fais. Ou oui, tu peux aller te couper les cheveux ou poster cette photo. Oui, on a vu, tu peux enfin vivre maintenant que tu nous l’as dit.

Je suis sûre que des études comportementales (en plus d’articles moins institutionnels que j’ai pu trouver) sont en train d’être faites à ce sujet car autour de moi, la notion d’approbation est très comprise même ceux qui sont loin de la communication digitale. Et lorsque je parlais à des personnes lambda ou à mon entourage direct, dès que j’évoquais des exemples comme les sondages sur des questions privées ou le racontage de vie omniprésent, on ne se cachait pas pour rejoindre ma position.

L’algorithme et l’engagement, le CDI d’instagram. Combat à durée indéterminé.

Ce paragraphe est plutôt ciblé sur les créateurs / influenceurs, tous ceux qui ont une activité importante sur la plateforme en tout cas. Quand je dis importante, cela peut être la personne qui génère très peu de recettes mais qui se dévoue corps et âme dessus, jusqu’au créateur qui utilise Instagram pour gérer une part de ces recettes. On ne parlera pas d’Elodie qui fait du shopping tous les samedis et qui postent sa vie ça et là.

L’algorithme d’Instagram est la plus grande crainte des créateurs, des influenceurs et des marques. Et ils ont raison.. Mais pas autant. L’algorithme a deux fonctions : faire utiliser davantage la plateforme en proposant le meilleur contenu susceptible d’attirer l’internaute à retourner sur la plateforme et éviter les techniques frauduleuses ( aka les faux comptes, les fermes à likes, l’achat d’abonnés, les pogs = groupe de personnes qui partagent leur publication afin de se liker mutuellement afin d’augmenter les j’aime/commentaires) sur Instagram . Se plier aux règles de cet algorithme peut mener au ridicule car une fois que l’engrenage est bien huilé, il est difficile de s’arrêter (si on suit le cheminement expliqué dans les chapitres précédents). L’algorithme pousse les créateurs à toujours produire plus s’ils ne veulent pas voir leurs portées organiques diminuer (portée organique : La portée organique représente le nombre total de personnes ayant vu vos publications par le biais d’une distribution non payante.). Au fil des années, j’ai pu remarquer un comportement par lequel tout le monde (ou presque) passe :

 

  1. Publier du contenu, tu feras le plus souvent possible.
  2. T’excuser car tu n’as pas publié depuis 2 jours, tu commenceras.
  3. Te forcer à publier du contenu, tu t’obligeras.
  4. T’énerver sur l’engagement d’Instagram, tu le feras.
  5. Demandez des likes et des commentaires, tu saouleras.
  6. La déprime, la remise en question de ton boulot, tu auras.
  7. Pourquoi tu fais tout ça, tu te demanderas.
  8. Avoir le déclic pour te détacher de ce monde virtuel, tu l’auras ou pas.
Je suis très consciente qu’un créateur sans engagement est moins sollicité. Je suis consciente que s’il ne publie pas du contenus fréquemment (ce qui est différent de régulièrement), il ne va pas attirer grand monde. Et je suis aussi consciente qu’il faut s’alarmer si les chiffres montrent de mauvais signes (perte de prospects, perte d’attrait pour les partenariats, etc.). Cependant, ce n’est pas en s’acharnant sur les chiffres, ni sur l’algorithme que cela va rendre votre profil meilleur. À l’ère où les chiffres ne sont pas toujours cohérents, on gardera de vous une chose : votre univers. Qu’est-ce que vous partagez ? Quelle plus value pour vous et pour vos internautes ? Ce qu’on retient de vous engendrera des recommandations. Que ce soit le réseautage d’affaire ou les réseaux sociaux. Finalement, on ne vous demande pas d’être LE compte parfait qui fait kiffer tous les jours avec 10k à chaque post mais un compte qui fait du bien. Et le bien-être, c’est aussi être équilibré. Entre la quantité de contenu, le sujet du contenu et parfois le silence.
Personnellement, les créateurs qui n’évoquent jamais leurs chiffres sont ceux que je préfère. Ils peuvent fêter leur 30K, cela reste une célébration honorable. Tandis que les stories sur le taux d’engagement qui diminue, qu’une photo a été moins likée qu’une autre.. Argf. On aurait plus souvent raison de penser que son amour du contenu peut très vite se briser si les chiffres ne suivent pas derrière. Et le pire, c’est de se dire aussi : “A t-il pris la photo parce qu’elle est instagrammable ?” aka le “Est-il allé à Santorin car c’est la destination tendance ?”. Évoquer les chiffres n’est jamais bon. D’ailleurs, le marketeur de votre entreprise a t-il déjà évoqué des chiffres moins bons à vos clients ? Jamais. Gardez vos inquiétudes pour vous mais ne rendez pas Instagram encore plus une machine à gaz qu’il ne l’était déjà.

D’ailleurs, en étant sur Instagram, vous devez être conscient que ce n’est pas vos règles du jeu, qui plus est, est éphémère car le monde du digital évolue. Si Instagram bug sur de plusieurs jours, arriverez-vous à vivre ? Car en voyant un # apparaître à la minute où Instagram est “down”sur Twitter, la réactivité me semble incroyable et les réactions effrayantes. De plus, en faisant référence au débat éternel sur l’algorithme d’Instagram, trouver d’autres ressources me semble nécessaires pour les créateurs et toute personne souhaitant vendre ses créations. Un photographe vivait de son métier bien avant Instagram. Ça, c’est un conseil sur ceux qui ne compte sur sur Instagram pour leur business !

Et vous, avez-vous déjà senti que vous étiez bien trop susceptible aux interactions sur Instagram concernant votre compte ? Avez-vous été déjà influencé à cause d’Instagram ? (Prochaine destination de voyage, vêtements, photo, etc.)

La dernière partie est disponible ici !

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